emma • l'imagination gouverne le monde.

Poursuivre des études alors qu'elle était enceinte n'avait pas été une chose aisée pour Emma. Passer une journée entière devant un ordinateur était d'ores et déjà fatiguant en temps normal, mais avec vingt kilos de plus, des envies d'aller aux toilettes tous les quart d'heures, en subissant sans arrêt les coups de pied d'un petit garçon qui tenait à rappeler sans cesse son existence, compliquait encore plus les choses. Elle avait besoin de plus d'heures de sommeil qu'elle en avait jamais eu besoin, et ne pouvait rester à réviser toute la nuit. Pas même une seule nuit ! Elle avait essayé, non se faire fortement réprimander par Ned, et s'était endormi sur son clavier, ruinant la partie qu'elle avait passé à coder. Elle avait donc rapidement compris qu'il fallait qu'elle arrête de regarder des séries télévisées, aussi intéressantes soit-elle, et passer la majeure partie de son temps libre à ingurgiter les formules, les codes, et la théorie qu'exigeaient ses études. Par chance, elle avait une excellente mémoire, et elle arrivait à s'en sortir, mais elle se trouvait du coup, trois fois plus stressée avant ses examens, ce qui n'était pas forcément mieux. La fleur d'oranger, anti-stress naturel, était donc devenue sa meilleure alliée. Relevant la tête vers l'horloge devant elle, Emma, ou Emy pour les intimes, constata qu'elle venait de passer un quart d'heure à lire, et relire, et relire l'énoncé alors des contractions commençaient à se faire sentir. Cela ne l'inquiétait pas outre mesure, c'était arrivé plusieurs fois ces dernières semaines, et il lui restait encore un mois à porter ce petit bébé. Le médecin lui avait assuré que c''était le stress qui pouvait causer cela. Elle prit donc une longue gorgée de son eau qu'elle avait parfumé à la fleur d'oranger, et se reconcentra, décidée à réussir à construire ce site dans le temps imparti.
Une demi-heure plus tard, une grimace se dessina sur son visage tandis que ses doigts tapaient sans arrêt sur les touches du clavier. Elle jeta un coup d'oeil vers Ned, désirant trouver du soutien dans le regard de son meilleur ami, mais ce dernier était plus concentré que jamais, et elle dut serrer les dents pour ne pas laisser un léger grognement de douleur s'échapper. Elle prit donc le parti de respirer profondément afin d'apaiser la douleur due aux contractions qui, comme elle le craignait, se faisaient plus régulières. La vitesse à laquelle ses doigts tambourinaient le clavier, accéléra grandement. Elle savait parfaitement ce qu'elle devait faire pour finir ce site, et elle savait que les deux heures et demi qui lui restaient, n'étaient pas de trop. Le problème était principalement qu'elle n'était pas certaine de tenir ces deux heures et demi.
Une heure plus tard, son visage était complètement déchiré de douleur, et elle respirait comme un petit chien. D'humeur désormais massacrante, elle lançait un regard noir à quiconque osait la regarder, et elle ne s'était pas gênée le moins du monde pour dire à Ned qu'il avait intérêt à finir son examen si il souhaitait rester en vie. Elle avait parfaitement conscience que ses réactions étaient disproportionnées et que la majorité des personnes dans la salle avait pour intention de l'aider, mais la douleur était pire que ce qu'elle n'avait jamais imaginé, et elle tenait à tout prix à réussir son examen. C'était une étrange priorité, oui. Mais Ethan était sensé attendre un mois de plus, il pourrait bien attendre une demi-heure de plus ! Elle était sa mère, celle qui décidait après tout ! « Melle Brighton, je vous laisserai le repa-- – Non ! » hurla-t-elle, avant de se reprendre. « Non merci Professeur. J'en ai encore pour une demi-heure, c'est bon. » Trop tard, cependant, il avait déjà appelé l'hôpital pour qu'ils amènent une ambulance. Elle avait déjà fait le trajet en compagnie de Ned pour essayer – il leur fallait un quart d'heure. L'ambulance devrait donc être là en cinq dix minutes. Elle n'aurait jamais le temps de finir. Elle accéléra encore le rythme, bloquant sa respiration au maximum – cela semblait étouffer la douleur – quand tout à coup, elle sentit un liquide se répandre sur ses jambes, et ses chaussures. Elle venait de perdre les eaux. Poussant un profond soupir, elle inscrivit encore trois caractères, et s'arrêta. « Je crois que je ne peux plus continuer. » dit-elle alors qu'une nouvelle contraction venait lui faire souffrir le martyr.

(...)

Le front en sueur, les cheveux tombant devant ses yeux, Emma était entrain d'enfoncer ses ongles dans le bras de Ned alors qu'elle poussait aussi fort qu'elle le pouvait sous les ordres répétés du médecin. On lui avait fait une péridurale, et douloureux comme c'était, elle se demandait sincèrement comment cela aurait pu être pire. A vrai dire, elle ne préférait même pas savoir. Poussant une énième fois, elle laissa s'échapper un cri de douleur, et se tourna vers Ned, le visage plein de haine. « Je sais que je t'ai dit que c'était pas la peine de tuer Tom, mais j'ai changé d'avis. » L'infirmière passa une éponge imprégné d'eau sur son front. « Fais le souffrir. Casse lui les doigts un par un, castre-le, fais n'importe quoi, mais fais le payer. » Elle avait toujours compris que le père de ce bébé qui s'apprêtait à naître ne se sente pas prêt, ne veuille pas être père. Elle en avait souffert, car aussi parfait que son meilleur ami soit, il n'était pas le père de l'enfant, mais elle n'en était plus à ce stade, et le vivait plutôt bien à l'heure actuelle – elle avait même appris à rire des remarques sur son passage à la fac. Cependant, pour le moment, elle le détestait de tout son être, moyen complètement inutile de gérer la douleur, mais c'était tout ce qu'elle pouvait faire. Dix minutes plus tard, les hormones continuant à agir sur elle, et à déterminer ses humeurs, la jeune femme était en larmes. Ereintée, à bout de force, elle avait simplement envie de se reposer une heure ou deux. Il était désormais vingt heures, et elle était debout depuis six heures du matin. Elle n'en pouvait simplement plus. Suppliant son meilleur ami de la laisser dormir, elle continua de pousser sans avoir vraiment conscience.

Après six heures de travail en totalité, elle put enfin tenir le petit Ethan dans ses bras, oubliant les dures heures de labeur derrière elle. Il n'y avait plus que ce petit être, et rien d'autre dans la pièce. Elle ne se rappela d'ailleurs de la présence de Ned que lorsqu'il passa un doigt sur le visage du petit garçon. Sans réfléchir, les quelques mots suivant sortirent de sa bouche : « Tu as de la chance d'avoir un parrain pareil, mon petit Ethan. »